Le Saint-Jacques

Le Saint-Jacques

Coulé près du banc de l’éclat, il fait le bonheur des pêcheurs

Tel un Bernard l’Hermite sortant de sa coquille hivernale, le capitaine sort de sa torpeur pour vous raconter l’histoire de ce chalutier qui sauta sur une mine le 19 juin 1916. Ce petit navire construit en 1895, d’une longueur de 25 mètres et équipé d’un moteur de 108 cv, fut réquisitionné par la marine nationale afin de le transformer en patrouilleur auxiliaire affecté au déminage de la baie de Seine et à la surveillance du barrage anti sous-marin qui ceinturait l’entrée du port du Havre. 17 personnes constituaient l’équipage.
Pendant la première  guerre mondiale le port du Havre était un haut lieu stratégique pour l’approvisionnement des troupes engagées sur le front de l’est. L’enjeu étant  tellement important, les sous-marins du Kaiser Guillaume II étaient à l’affut près des côtes normandes  afin de stopper le ravitaillement de matériels. En Février 1916   lors d’une mission de dragage le chalutier Noëlla ramena sa drague et découvrit un filin d’acier avec un détonateur certainement l’orin d’une mine. On continua les recherches en vain la mine était introuvable…. Quelques jours après le Noëlla et le Pas de Calais (notre Au Revoir) draguèrent encore cinq mines dans l’ouest et le nord-ouest de la bouée à sifflet près de la passe d’entrée du chenal d’accès au port du Havre. Mais une mine  encore  restait à récupérer. Elle s’ échoua près du banc de l’éclat, et fut abandonnée .Des recherches, au mois de mars, furent entreprises sans résultat. Ces mines avaient été déposées par le UC 6 commandé par le redoutable Kapitanleutnant Graf Matthias von Schmettow qui posait des mines dans toute la Manche. Il eut à son actif plus de 75 navires coulés.

Sortie des dragueurs de mines, escorté par un torpilleur .Illustration de Jean Biette

On supposa que la mine avait été entrainée par les courants. Hélas, ce fut une déplorable erreur car le 19 juin à 7 heures du matin notre Saint Jacques commandé par le capitaine Jean Costard traversait par basse mer le banc de l’éclat. Le guetteur du sémaphore le regardait justement à la jumelle. Soudain, ce fut l’explosion de notre navire. Une colonne de fumée blanche et noire surgit du bâtiment en 20 secondes, il fut englouti. Brisé en deux par des fonds de 7/8 mètres. Il se trouvait à 50 mètres à l’intérieur du barrage. On suppose que c’est l’une de ces deux mines qui fut à l’origine de l’explosion. Sur le nombre d’hommes présent à bord, neuf périrent tragiquement et sept furent récupérés par des bateaux de pêche navigant près du drame.
Suite à ce tragique évènement les Anglais n’hésitèrent pas et organisèrent une flottille de dragueurs composées de 26 bateaux tel le Anthony Hope (coulé près de la Noëlla) ou le HMT  Amy, c’étaient principalement des harenguiers britanniques.

Cette épave est peu plongée car près de la cote ou la visibilité n’est pas souvent au rendez-vous. Elle a été longuement ferraillée, il reste une imposante chaudière et encore quelques morceaux de membrures et toujours des amas de tôles épars. Mais pour nos amis pécheurs vous pouvez tenter votre chance dans l’espoir de prendre un beau bar autour de celle-ci.

La rade du Havre
Montage et photos de François Mathieu et Thierry Despres (Grieme)

Récit de Thierry Despres

Sources : la base navale du Havre par Albert Chatelle, le Havre 14/18  de E. Dérome et sans oublier nos sagas des épaves de la côte d’Albâtre, les tomes 3 et 4 toujours disponibles.

                    

 

 

 

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